Gauthier Fiévet
Avocat au barreau de Bruxelles
gfievet@philippelaw.eu

En droit commun, la relation contractuelle entre l’agent immobilier et son commettant relève du louage d’ouvrage lorsque la mission de celui-ci consiste à accomplir des prestations matérielles pour son commettant. Comme tout entrepreneur, l’agent est, par conséquent, débiteur d’une obligation – sur la base de l’article 1134, alinéa 3 du Code civil – de s’enquérir de la situation de son commettant – qui est souvent profane en matière immobilière –, de l’informer, de le conseiller, voire de le mettre en garde.

Lorsque le contrat est conclu avec un consommateur, les articles VI.2 et VI.64 du Code de droit économique font peser une obligation d’information spécifique sur l’agent immobilier, qui vient s’ajouter à son devoir précontractuel et contractuel d’information, de conseil et de mise en garde de droit commun.

I. L’obligation d’information précontractuelle de droit commun de l’agent immobilier

« Compte tenu de sa qualité de spécialiste, l’entrepreneur connaît (ou doit connaître) les inconvénients éventuellement prévisibles et qui sont inhérents à l’exécution des prestations faisant l’objet du contrat. Il doit donc en informer le maître de l’ouvrage et le conseiller afin de minimiser ces inconvénients »

A. Cruquenaire, C. Delforge, I. Durant, P. Wéry, Droit des contrats spéciaux, Liège, Wolters Kluwer, 2018, p. 362, n° 704.

Informer quant à sa qualité

Sur le plan déontologique, qu’il envisage de contracter avec un consommateur ou un professionnel, l’agent immobilier a l’obligation d’indiquer sans équivoque au commettant potentiel s’il intervient en qualité d’agent immobilier ou en une autre qualité (Art. 39, al. 2 du Code de déontologie approuvé par l’arrêté royal du 29 juin 2018 portant approbation du code de déontologie de l’Institut professionnel des agents immobiliers, M.B., 31 octobre 2018, p. 82749 ; C. Heeb, « De makelaar », op. cit., p. 54, n° 8080 ; L. Collon, Le statut juridique de l’agent immobilier, op. cit., p. 190, n° 173).

(Art. 39, al. 2 du Code de déontologie approuvé par l’arrêté royal du 29 juin 2018 portant approbation du code de déontologie de l’Institut professionnel des agents immobiliers, M.B., 31 octobre 2018, p. 82749 ; C. Heeb, « De makelaar », op. cit., p. 54, n° 8080 ; L. Collon, Le statut juridique de l’agent immobilier, op. cit., p. 190, n° 173).


La cour d’appel de Liège a, à cet égard, retenu une faute précontractuelle dans le chef d’un agent immobilier en considérant qu’un « courtier immobilier professionnel qui dissimule systématiquement sa qualité professionnelle dans sa publicité et dans ses premiers contacts avec les vendeurs qu’il prospecte, n’observe pas les usages honnêtes de sa profession » (Liège, 24 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1285, obs. B. Louveaux. Voy. dans le même sens Liège, (13ech.), 19 décembre 2000, J.L.M.B., 2002/40, p. 1744.).

Informer quant aux éléments essentiels du contrat à conclure

« Seul répond aux usages admissibles de la profession respectant l’obligation d’information loyale et de bonne foi du cocontractant profane le contrat précisant la qualité de l’agent, le mode et le taux de sa rémunération en cas de vente par le courtier, le caractère exclusif ou non du mandat, les conditions et le montant de la clause pénale en cas de vente par l’acquéreur à un client du courtier ou à un tiers pendant la durée d’une exclusivité »

Liège, 24 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1285, obs. B. Louveaux.

Conformément à sa déontologie, lorsqu’il agit en tant qu’intermédiaire, l’agent immobilier doit veiller « à attirer l’attention de son commettant potentiel sur les éléments essentiels du contrat de courtage ou de gestion qu’il lui propose de conclure » (art. 8, al. 2 du Code de déontologie approuvé par l’arrêté royal du 29 juin 2018 portant approbation du code de déontologie de l’Institut professionnel des agents immobiliers, M.B., 31 octobre 2018, p. 82749).

A ce propos, dans un arrêt du 24 juin 1993, la cour d’appel de Liège a rappelé que « Seul répond aux usages admissibles de la profession respectant l’obligation d’information loyale et de bonne foi du cocontractant profane le contrat précisant la qualité de l’agent, le mode et le taux de sa rémunération en cas de vente par le courtier, le caractère exclusif ou non du mandat, les conditions et le montant de la clause pénale en cas de vente par l’acquéreur à un client du courtier ou à un tiers pendant la durée d’une exclusivité » (Liège, 24 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1285, obs. B. Louveaux). L’agent immobilier est notamment tenu de proposer à son client un projet de convention qui précise « de manière claire et non ambiguë les obligations des parties, en particulier en ce qui concerne le mode de calcul et de paiement des honoraires » (art. 8 du Code de déontologie approuvé par l’arrêté royal du 29 juin 2018 portant approbation du code de déontologie de l’Institut professionnel des agents immobiliers, M.B., 31 octobre 2018, p. 82749).

Selon la cour d’appel de Liège, l’agent immobilier commet, par conséquent, une faute précontractuelle lorsque « le seul écrit soumis aux [commettants] ne leur permettait pas de comprendre que [l’agent] n’avait aucune intention de se porter personnellement acquéreur du bien, qu’il agissait uniquement comme un courtier dont la rémunération leur restait dissimulée et qu’un irrespect de l’exclusivité implicite entraînait un droit à indemnité dont le montant restait inconnu » (Liège, 24 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1285, obs. B. Louveaux).

De la sorte, la cour conclut à la nullité du contrat en raison des fautes commises dans sa conclusion par l’agent qui surprend le consentement de l’autre partie, en soulignant que l’agent « n’apporte aucun indice permettant de croire que les [commettants] auraient consenti », alors que tous les éléments des dossiers déposés établissent le contraire.

Informer quant aux honoraires dus dans le cadre de relations antérieures entre parties

Il a été jugé que l’agence immobilière qui, avant de conclure un nouveau contrat d’intermédiation avec son client, s’abstient d’informer ce dernier qu’elle le considère comme étant débiteur à son égard d’une somme de 61 973,38 euros dans le cadre de l’exécution de deux conventions antérieures, constitue une « fourberie » silencieuse sans laquelle le commettant ne se serait pas engagé (Liège (14e ch.), 30 janvier 2009, Rev. Not., 2009, p. 643). La cour d’appel de Liège souligne que « l’exigibilité d’honoraires dus dans le cadre des deux premières conventions constituait un élément important sur le plan économique pour le commettant déjà contraint de réduire de manière substantielle le prix réclamé pour la vente de son fonds de commerce »[ii], et prononce la nullité de la nouvelle convention, qualifiant le stratagème utilisé de « véritable piège » tendu par l’agence immobilière.

Preuve de la bonne exécution de l’obligation d’information

L’article 88 du Code de déontologie dispose « [qu’à] moins qu’une formalité écrite ne soit expressément imposée en vertu d’une disposition légale, les obligations prévues en vertu du présent code à charge de l’agent immobilier en matière d’information du commettant ou des tiers ne requièrent pas l’obligation de constituer un écrit ». L’agent immobilier veillera cependant à se ménager la preuve de la bonne exécution de son obligation d’information. Comme le souligne L. Collon, il sera, en effet, « inévitablement confronté à des clients qui, pour éviter que leur responsabilité soit engagée, ou encore pour se soustraire au paiement d’une commission d’agence, plaideront, parfois de mauvaise foi, qu’ils ont été mal informés, voire trompés, par l’agent durant la phase précontractuelle » (L. Collon, Le statut juridique de l’agent immobilier,op. cit., p. 255, n° 214).

Sanctions de l’inexécution de l’obligation d’information précontractuelle

L’agent immobilier qui méconnaît l’obligation d’information précontractuelle prévue par le Code de déontologie encourtune sanction disciplinaire. L’agent est également susceptible de voir sa responsabilité précontractuelle engagée envers son commettant sur la base de la culpa in contrahendocommise (C. Heeb, « De makelaar », op. cit., p. 55, n° 8080), pour autant que sa faute soit en lien causal avec le dommage subi par ce dernier (J. Stichelbaut, op. cit., p. 86, n° 125). Enfin, lorsque le manquement de l’agent immobilier à son obligation d’information précontractuelle est à l’origine d’un vice de consentement dans le chef du commettant, le contrat est entaché d’une cause de nullité relative. Par arrêt du 30 janvier 2009, la cour d’appel de Liège a, de la sorte, annulé un contrat d’intermédiation après avoir constaté que l’agent immobilier était l’auteur de réticences dolosives (Liège (14ech.), 30 janvier 2009, Rev. Not., 2009, p. 643 ; C. Heeb, « De makelaar », op. cit., p. 55, n° 8080).

II. L’obligation d’information précontractuelle de l’agent immobilier dans le cadre d’un contrat conclu avec un consommateur

L’obligation d’information précontractuelle pour tout contrat conclu avec un consommateur. Le Code de droit économique impose à l’agent immobilier de fournir certaines informations au consommateur de manière claire, compréhensible et préalable à toute conclusion du contrat. L’agent immobilier doit, en premier lieu, fournir les informations sur les principales caractéristiques du produit (dans la mesure appropriée au moyen de communication utilisé et au produit concerné). Il doit, de la sorte, préciser si la mission présente un caractère exclusif, co-exclusif ou non exclusif, si elle comporte ou non un mandat (avec les conséquences que cela implique), et si elle inclut l’obtention des documents et attestations nécessaires à l’exécution de la mission par l’agent. Il est également conseillé d’énumérer le contenu des services qui seront fournis (recherche de candidats, canaux par lesquelles les annonces seront diffusées et durée, organisation de visites, négociations avec les candidats, confection du compromis de vente, etc.).
Il incombe, par ailleurs, à l’agent immobilier d’informer le consommateur sur l’identité de l’entreprise (et notamment les coordonnées de son établissement, son numéro d’entreprise et son numéro de téléphone), sur le prix total du produit (taxes et services supplémentaires compris), sur les modalités de paiement, de livraison et d’exécution (et les modalités prévues par l’entreprise pour le traitement des réclamations), sur la durée et les conditions de résiliation du contrat (notamment en cas de reconduction ou prorogation automatique) ainsi que sur les conditions de vente adaptées au besoin d’information exprimé par le consommateur.
Conformément à l’article XV.84 du Code de droit économique, les agents immobiliers qui, de mauvaise foi, violent cette obligation d’information précontractuelle sont punis d’une sanction de niveau 3, soit une amende pénale de 26 à 25 000 euros.

Contrat conclu hors établissement. Préalablement à toute conclusion d’un contrat hors établissement, et en plus des informations mentionnées au point précédent, l’article VI.64, §1erdu Code de droit économique impose à l’agent immobilier de fournir certaines informations supplémentaires au consommateur sous une forme claire et compréhensible, telles que son numéro de télécopieur et son adresse électronique.
L’agent doit également veiller à informer le consommateur au sujet du droit de rétractation dont ce dernier bénéficie. Il l’informe ainsi sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit conformément à l’article VI.69, §1er, et fournit le modèle de formulaire de rétractation figurant à l’annexe 2 du livre VI du Code de droit économique. Si l’agent souhaite commencer sa mission pendant le délai de rétractation, il est impératif de recueillir l’accord préalable du consommateur et de l’informer qu’il sera tenu de dédommager l’agent de ses frais raisonnables moyennant la production de justificatifs. Lorsqu’il apparaît que l’agent exécutera entièrement sa mission pendant le délai de rétractation, il lui incombe de fournir au consommateur l’information suivant laquelle il ne bénéficiera pas de ce droitet d’obtenir son accord préalable et exprèssur le fait qu’il perdra son droit de rétractation une fois que le contrat aura été pleinement exécuté par l’entreprise.

L’agent informe également le consommateur sur l’existence de codes de conduite applicables, sur la manière d’en obtenir copie, ainsi que sur la durée minimale des obligations contractuelles du consommateur.
Conformément à l’article XV.83, 9 ° du Code de droit économique, les agents immobiliers qui violent cette obligation d’information précontractuelle sont punis d’une sanction de niveau 2, soit une amende pénale de 26 à 10 000 euros.

Preuve de la bonne exécution de l’obligation d’information. L’article VI.62 du Code de droit économique fait peser la charge de la preuve de la bonne exécution de l’obligation d’information sur l’agent immobilier, en précisant« [qu’il] incombe à l’entreprise de fournir la preuve qu’elle a satisfait aux obligations concernant l’information du consommateur, le respect des délais, le consentement du consommateur à la conclusion du contrat et, le cas échéant, à son exécution pendant le délai de rétractation ».

Toute clause contractuelle qui mettrait la preuve du non-respect des obligations d’information de l’entreprise à charge du consommateur est interdite et nulle.